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Boxe - Cuba - Challenge #13


Boxe - Cuba - challenge #13

Je suis transporté cette fois-ci dans un pays unique au monde. Un pays avec une culture musicale, sportive et artistique si grande, qui s'est exportée dans le monde entier alors que ses habitants se sentent comme prisonniers sur la plus grande île des Caraïbes. Le contraste est saisissant.

Les Cubains manquent absolument de tout. Certains sont fatalistes et ressentent une grande injustice dans cette situation. D'autres ont appris à profiter de la vie malgré tout et ont dans le cœur toute la richesse qu'ils n'ont pas dans les poches. Quand on se promène à Cuba à la tombée de la nuit, on est plongé dans un univers de musique et de danse. Des petits groupes en live dans de nombreux bars animent les soirées sur des airs de salsa, de rumba, ... mais la fête est présente aussi dans les "casas particulares". C'est un peu comme la fête de la musique en France, mais tous les soirs.

J'étais venu ici pour découvrir la boxe et j'ai été gâté. Boxe, baseball et athlétisme sont les 3 sports majeurs à Cuba. Comme une volonté politique de développer ces sports dominés sur la scène mondiale par les Etats-Unis. Logé dans une casa à Centro Habana, je fais tous les jours le trajet en longeant le Malecón pour me rendre au Gimnasio Rafael Trejo à Habana Vieja.

Lorsque j'arrive, ce qui marque est l'aspect rudimentaire du lieu. À l'image de la ville, tout est délabré ici. Mais ça n'empêche pas les gars de s'entraîner. Quand je présente mon projet aux 2 entraîneurs, je sens un peu comme une réticence. Je souhaite boxer et eux souhaitent m'apprendre à boxer. C'est déjà un bon début sauf que je leur dis que je n'ai qu'une semaine. Et c'est là où ils me disent que tant que je n'aurai pas les bases, je ne pourrai pas monter sur le ring. Et c'est pas en une semaine qu'on peut tout intégrer. Je me dis alors que je vais les convaincre petit à petit au fil des entraînements.

L'apprentissage est très techniciste. Une dérive qu'on a pu constater en France dans les années 70 en sport et Education physique. On travaille la position, on est statique, on répète tant que tout n'est pas parfait au millimètre, pour ensuite passer à une autre position ... etc. On rajoute ensuite un peu de mouvements pour répéter encore et encore. C'est si décontextualisé que je ne parviens pas à donner du sens à mes apprentissages. Les entraînements durent entre 2h30 et 3h. Le premier jour, je n'ai fait que des déplacements, sans même utiliser les poings ; juste maintenir la position de garde. 2ème jour, on a rajouté le direct du gauche, et le 3ème jour le direct du droit. Mais sans pour autant combiner les 2 coups. C'est long et frustrant. Surtout qu'on n'intègre pas la notion de mouvements instinctifs. Tout est très stéréotypés. Le 4ème jour, j'ai insisté pour faire un combat, même si ma garde n'est pas parfaite. C'est alors que j'ai pu monter sur le ring et me confronter à un jeune de 17 ans. J'ai enfin mis des gants de boxe. 3 rounds de 3 min. C'est exténuant. Rester concentré et toujours en déplacement. Essayer de toucher sans pour autant se faire contrer. Je suis dominé clairement mais l'adrénaline est énorme. En terme de motricité, de tactique, de cognition et de dimension mentale, ce sport est d'une richesse infinie. Et il faut en plus rester lucide malgré la fatigue et les coups encaissés, car les systèmes énergétiques carburent à plein régime. Malgré la frustration des entraînements hyper technicistes, ce que je vis ici est assez magique. Et les échanges avec les coachs sont après l'entraînement très amicaux. Ils sont volontairement durs et exigeants pendant le cours.

L'amabilité et la générosité sont peut être les qualités qui caractérisent le mieux les Cubains. J'ai toujours eu des échanges sympathiques avec les habitants. Et les rapports sont simples et véritables. Je pense aussi que c'est le pays le plus sécuritaire au monde. Comme le disent certains ici, 3 millions d'habitants dont 2 millions de policiers ! Ca aide à instaurer l'ordre ... les sanctions pour les délits sont aussi très dissuasives. 15 ans de cabane pour un vol par exemple.

Le soir de mon dernier entraînement, dans un petit restaurant cubain de Centro Habana, le genre de restaurant où l'on paye qu'en monnaie nationale : le peso cubain, je rencontre Eleazar. Un prof multi danses qui me donne le contact d'un de ses amis, Nayrovis, qui a été 2 ans en équipe nationale de Boxe. C'est alors que dès le lendemain je découvre une toute autre façon de s'entraîner. En quelques 3h de temps, j'ai pu apprendre bien plus que lors de mes 4 premiers cours à Rafael Trejo. On est rentré de suite par le mouvement. Sentir le mouvement de l'adversaire pour se déplacer en conséquence, rester aérien, être concentré sur le regard de l'autre. Même si la position n'est pas parfaite, on continue le travail et la progression. Nayrovis insiste sur le fait de trouver son style, sa posture confortable pour déclencher une attaque dans les meilleures conditions. C'est hyper intéressant. On fait énormément de sparing partner. La passion l'anime quand il me donne les cours. Il compare souvent la boxe à la danse et affirme que les bons boxeurs sont de très bons danseurs.

Pour info, Nayrovis est prof d'EPS et gagne 14 pesos convertibles par mois (environ 12 euros)... Je ne peux malheureusement pas faire d'autres cours avec lui car j'ai une entorse à la cheville depuis quelques jours, et une tendinite à l'épaule que je traine depuis l'étape Escalade de Riglos.

Quand on se promène à La Havane avec des gants de boxe, on est sans cesse interpellé. Car ce sport passionne tout le monde ici. Et tous connaissent un champion de boxe cubain. C'est vraiment la destination pour découvrir ce sport.

Anecdotes.

Le 3ème jour, j'étais avec Paul, un gars de Liverpool à l'entraînement et on a du aller s'entraîner en dehors de la salle car c'était au même moment que l'entraînement des adultes. Et les étrangers ne peuvent pas s'entraîner avec les Cubains. La raison, on va copier leurs techniques. Assez paradoxal dans la mesure où ce sont des coachs cubains qui sont en train de nous former. Le seul moyen de s'entraîner avec les boxeurs locaux est lors de déplacements officiels d'une fédération ; comme le fait régulièrement l'équipe de France (pour qui ça a largement payé lors des JO de Rio 2016)

Dans un resto, j'ai du attendre la fin du match de baseball pour passer commande car tous les serveurs étaient scotchés devant la TV. S'il y a bien un sport qui dépasse la Boxe ici, c'est le baseball : sport national. Et on le voit dans la rue car on croise souvent des gamins en train de jouer avec la main en guise de batte, et un journal en guise de gant.

C'est plutôt agréable de se promener dans un pays sans publicité. Il n'y a aucune pub sur des panneaux, pancartes ou autres. Les seuls affichages sont de grands panneaux avec les messages de Fidel Castro, qui soulignent souvent l'importance du travail et de la patrie.

En une semaine, j'ai pu apprivoiser mon quartier de Centro Habana. C'est vraiment là que vivent les Cubains, très peu de touristes ici. J'ai mes repères et je connais pas mal de monde à la esquina de calles Concordia y Escobar. Tellement qu'il me faut plus d'une demi heure lorsque je dois traverser 4 cuadras pour aller au Malecón. Ce qui est frappant dans ce quartier, c'est l'énergie qui se dégage. Les gamins jouent au foot, au baseball, font du skate ou du roller ou même de la boxe. Des vélos, des tricycles, des charrettes, des chiens, des chats, quelques vieilles voitures américaines... se mêlent au décor. Et puis les gens : tous se connaissent, se saluent, échangent sur un bout de trottoir en dégustant une pizza encore brûlante, accompagnée d'un refresco. Le menu habituel dans le quartier, qu'on trouve dans les petites cafétérias. Pour moins d'un peso convertible on peut se restaurer. Mais ici, on paye en pesos cubains. Certains réparent leur voiture, d'autres vendent quelques fruits disposés sur une carriole.

C'est dynamique, il y a de la vie et je me sens bien ici. Bien plus que dans le coin touristique de Habana Vieja.

Je vais m'arrêter là, sinon j'en finirai jamais tellement ce qu'on vit ici est atypique. Comme la vidéo, c'est difficile de faire des choix dans les 20h de rush...

Un grand merci à Air France pour leur aide sur cette belle étape cubaine.

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